Devrait-on donner des devoirs en mathématiques au secondaire? Est-ce que ça peut “compter” pour le bulletin? Est-ce incontournable de donner des devoirs aux élèves si on veut s’assurer de faire le tour du programme? Comment faire la gestion des devoirs non-faits? Peut-on donner les réponses à l’avance?
Vous trouverez dans cet article quelques pistes de réponse à ces questions.
Dans son livre Building Thinking Classrooms, Peter Liljedahl consacre un chapitre aux devoirs. Dans ses recherches, il a analysé comment les élèves agissent dans des classes où les devoirs s’appellent des devoirs, qu’ils sont vérifiés par l’enseignant et qu’ils comptent dans la note globale de l’élève. Il a obtenu la répartition suivante :

Grosso modo, la moitié des élèves ne font pas le devoir du tout ou trichent et l’autre moitié des élèves se font aider ou le font par eux-mêmes. Comme enseignant, on souhaite évidemment que nos élèves soient majoritairement dans les deux dernières catégories.
M. Liljedahl s’est aussi intéressé à comment les élèves agissent dans des classes où les devoirs ne s’appellent pas des devoirs, qu’ils ne sont pas vérifiés par l’enseignant et qu’ils ne comptent pas dans la note de l’élève. Il a obtenu la répartition suivante :

Grosso modo, 4 élèves sur 10 ne font pas le devoir du tout ou trichent et 6 élèves sur 10 se font aider ou font le devoir par eux-mêmes. Une légère amélioration…
La principale différence est que les élèves qui trichait dans le premier type de classe ne font plus leurs devoirs du tout puisque ça ne sera pas vérifié et que ça ne comptera pas. Pour le reste, on a sensiblement la même répartition.
Vous vous dites probablement que ça ne change pas grand chose que ça compte ou pas, ou qu’on appelle ça devoirs ou pas? Il est vrai que la différence n’est pas si importante d’un diagramme à l’autre bien qu’elle soit tout de même positive. Ça devient intéressant lorsqu’on questionne les élèves à savoir POURQUOI ils ont réalisé leur devoir.
Dans les classes où les devoirs sont vérifiés, qu’ils comptent et qu’ils s’appellent des devoirs, les élèves vont répondre qu’ils font leurs devoirs :
- parce qu’ils ne veulent pas perdre de points;
- parce que l’enseignant les vérifie au cours suivant;
- pour ne pas que leurs parents reçoivent une notification comme quoi ils n’ont pas remis un devoir;
- pour ne pas décevoir leur enseignant (pour les plus jeunes);
- etc.
Dans les classes où les devoirs ne sont pas vérifiés, qu’ils ne comptent pas et que l’enseignant utilise une autre appellation que “devoirs”, les élèves vont répondre qu’ils font leurs « devoirs » :
- pour s’assurer d’avoir bien compris la matière du cours;
- pour consolider ce qu’ils ont appris en classe;
- pour être bien préparés pour un futur examen;
- pour faire des exercices supplémentaires;
- etc.
Bref, ils font leurs devoirs pour apprendre! Et indirectement, cette motivation à faire leurs devoirs aura un impact positif sur leurs apprentissages et leurs performances scolaires.
Comme enseignant, si on adopte cette posture, on peut poser certaines actions ou avoir un discours qui contribue à installer cette culture dans notre classe par rapport aux devoirs. Par exemple :
- Fournir les réponses en même temps qu’on donne les problèmes;
- Fournir des démarches détaillées le cours suivant pour permettre aux élèves de se valider au besoin;
- Ne pas exercer une pression sur les élèves pour qu’ils fassent ces problèmes;
- Tenir un discours qui laisse entendre aux élèves que c’est une opportunité pour eux d’améliorer leurs compétences. Par exemple : « Ces problèmes sont une excellente occasion de consolider ce qu’on a vu aujourd’hui. C’est à vous de choisir ceux qui vous permettront de vous sentir plus à l’aise avec la matière. » ou « Ce n’est pas une obligation, mais plutôt un outil pour vous soutenir. » ;
- etc.
Si on installe cette culture des devoirs dans notre classe, alors on peut valoriser différentes stratégies que certains élèves pourraient être tentés d’utiliser. Par exemple :
- Ne faire que les numéros pour lesquels ils croient avoir besoin de s’exercer davantage;
- Faire le travail en équipe en ne remplissant qu’une seule feuille de démarches;
- Faire certains numéros en identifiant seulement les différentes étapes à réaliser sans faire les calculs qui peuvent parfois être répétitifs;
- Réviser des numéros faits en classe plutôt que de réaliser les exercices supplémentaires;
- Venir compléter les exercices lors des récupérations en ayant accès à l’enseignant au besoin;
- etc.
Comme avantage collatéral de cette approche, plus besoin de passer autant de temps à corriger le devoir au début d’une période. Les élèves ont déjà les réponses et pourront poser des questions s’ils le souhaitent à l’intérieur d’un cours ou pendant une récupération. C’est un temps substantiel qui peut être récupéré ici pour certains.
Équité
Il faut aussi être conscient que les élèves n’ont pas tous le même temps et la même énergie à consacrer à des travaux scolaires à l’extérieur de l’école (pour de bonnes et de moins bonnes raisons).
Certains de nos élèves n’ont pas accès à un endroit calme pour travailler à la maison et d’autres pourraient avoir une connexion Internet limitée pour accéder à des ressources en ligne. Plusieurs occupent un emploi, font partie d’une équipe sportive ou doivent s’occuper de leurs frères et soeurs à la maison. Bref, leur réalité ne leur permet pas toujours d’avoir un temps de qualité à consacrer aux devoirs à la maison.
Les devoirs ne peuvent donc servir à progresser dans la matière, mais devrait se limiter à consolider des notions déjà apprises ou à les travailler différemment. Sinon, on peut contribuer à augmenter la disparité entre nos élèves. Si vous craignez manquer de temps pour faire le tour de votre programme, mieux vaut chercher à faire davantage de liens entre les notions et à identifier les grandes habiletés à développer chez nos élèves. Cela vous permettra de gagner beaucoup de temps et d’optimiser l’apprentissage des élèves.
Note au bulletin
La note au bulletin scolaire de nos élèves se compose de deux compétences :
- Compétence 1 : Résoudre une situation-problème
- Compétence 2 : Déployer un raisonnement mathématique
Ça peut être difficile d’évaluer les compétences d’un élève à travers un travail qui a été réalisé à l’extérieur du cours. Et si on est en mesure d’évaluer l’élève, on doit s’en tenir évidemment au cadre d’évaluation et aux critères qui y sont inscrits.
L’assiduité à faire ses devoirs ne fait pas partie des critères sur lesquels on peut s’appuyer pour porter notre jugement. Rien ne vous empêche d’avoir un système de gestion des devoirs, mais c’est difficile d’envisager de tenir compte de cela dans le résultat disciplinaire des élèves.
En conclusion
Évidemment, chaque contexte est différent et il n’y a pas de recette parfaite pour les devoirs. À vous de trouver la recette qui répond le mieux à votre réalité.
Au lieu de « devoirs », vous pouvez trouver une formulation qui est davantage en cohérence avec la posture que vous adopterez : « Questions pour s’assurer d’avoir compris », « Problèmes Ai-je bien compris? », etc.
Le but de cet article est de vous donner quelques éléments sur lesquels vous pourrez vous appuyer pour réfléchir et prendre des décisions en équipe par rapport à la gestion et la culture des devoirs. Je n’ai assurément pas abordé le sujet de tous les angles possibles.
L’objectif ultime est de faire de nos élèves des apprenants autonomes. Partagez moi vos propres pistes de réflexion et vos innovations pour bonifier cet article et, ensemble, continuons d’améliorer nos pratiques!
Référence : La classe collabo-réflexive en mathématiques – 14 pratiques pédagogiques pour optimiser l’apprentissage